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Il a conté lui-même, dans deux articles charmants, ses souvenirs de l’année qu’il passa dans la troupe, avec son régiment, sur ce front de Verdun et dans ces villages ou ces forts, Fleury, Douaumont, Damloup, dans ces bois qui ne sont plus aujourd’hui que des noms, mais des noms à jamais illustres dans l’histoire. Tout ce pays, promis à une gloire tragique, était alors un des coins les plus calmes du front. Calme relatif, du reste, dont les bombardements par les gigantesques 420 étaient les événements, et entretenaient en Allemagne la fable du « siège de Verdun » par le redoutable von Benzino. En fait, c’était ce général de l’armée « assiégeante » qui était alors fort en peine de maintenir ses positions. L’armée de Verdun, cette année-là, se donnait continuellement de l’air, attaquait aux Eparges, s’élargissait en Woëvre, poussait jusqu’aux lisières d Etain, et les territoriaux de la Meuse se taillaient une assez jolie part dans cette suite d’affaires de « grignotage. » « Vous êtes un régiment de place, leur disait un jour de revue le général de division, mais vous avez porté la place chez l’ennemi. » Beaucoup de régiments « actifs » auraient pu envier cette louange.

C’est alors que le général Herr, le nouveau commandant de la « région » de Verdun, découvrit Madelin, le fit sous-lieutenant et l’appela à son état-major. Peu après commençait l’effroyable bataille. Les Allemands, s’étant aperçus de leur faute de 1914, avaient décidé d’emporter ce saillant de Verdun qui était le pivot de notre défensive, et qui constituait (comme on allait le voir en 1918) une si grave menace pour leurs communications par Metz. On sait ce que fut cette crise, l’une des plus tragiques de la guerre. De Dugny, puis de Souilly, où se transporta bientôt le quartier-général, le sous-lieutenant Madelin en suivit les péripéties ; sous les ordres de Pétain, puis de Nivelle, il vit le combat, d’abord commencé en revers, changer de face et chaque jour s’affirmer en victoire. Mais ce rôle de témoin allait bientôt se changer en un rôle plus actif.

Il y avait alors auprès de Joffre, comme major-général, un des plus merveilleux officiers de notre armée, chef aussi habile qu’énergique, qui plus tard, au 5e corps, dans les journées sinistres de mars 1918, couvrit Compiègne, sauva Paris. Haï des politiciens, dont il était la bête noire, parce qu’il incarnait à leurs yeux l’ « esprit de Chantilly, » ou peut-être tout bon-