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Louis, L’abbé Raynal disait, alors, que Bourbon « n’était qu’une onéreuse dépendance de l’Île de France. » La vérité, c’est que Bourbon suivait l’impulsion donnée par une puissante main. Mais déjà il ressortait des conditions naturelles de Bourbon (étendue de sa région nnontagneuse, restriction de l’espace dévolu à la culture, absence de port), que cette île se trouvait en flagrant état d’infériorité. C’est grâce à Maurice que la marine française prit peu après, dans l’Océan Indien, l’empire des mers, d’où dépendait la splendide prospérité des deux jumelles, qui révélèrent, alors, au monde le génie colonisateur de la France. Puisse cette étoile double, suivant la charmante expression de Bérard, briller de nouveau, bientôt, dans le beau ciel de nos tropiques !

L’histoire de notre ile, par deux fois dénommée Île de France (et qui mérite encore si pleinement ce beau nom), se trouve toujours intimement associée à celles de Madagascar et de la Réunion. C’était, alternativement, dans les trois îles, que venaient se ravitailler les hardis marins qui eurent noms Duperré, Bouvet, Magon, Hamelin, Roussin, Surcouf et Mallerousse accomplissant leurs glorieuses croisières à travers l’Océan Indien.

Mentionnons ici quelques dates importantes. En 1767, la Compagnie des Indes fut obligée de liquider les affaires qu’elle avait à Bourbon et à l’Île de France et de rétrocéder ces îles au Roi et la Compagnie de Saint-Malo. C’est cette année même que le Lyonnais Poivre (qui mérita si bien son nom) fut nommé intendant général des îles et les enrichit de la culture des fines épices (girofle, muscade, vanille, cannelle) arrachées à l’avidité des Hollandais, en dépit de la sévérité des lois bataves, qui punissaient de mort ceux qui tentaient d’enlever les précieux aromites des îles Moluques et de Java. C’est en 1768 que Bernardin de Saint-Pierre débarqua à Port-Louis, avec des idées commerciales assez utopiques. S’il ne réussit guère comme commerçant, en revanche, il revint en France avec son immortel chef-d’œuvre de Paul et Virginie, qui révéla à l’univers l’existence de nos îles et les beautés de « Pamplemousses. »

En 1772, sous la dénomination de « régiment de l’Île-de-France, » plusieurs bataillons de garde furent créés pour protéger nos colons agricoles. À cette époque, l’Ile de France, favorisée par la nature de deux superbes ports, était regardée