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or, soit 25 milliards. Cette somme est déjà absorbée par l’entretien des troupes qui occupent la rive gauche du Rhin, par les frais du ravitaillement de l’Allemagne depuis l’armistice qui sont imputables sur cette indemnité, par le paiement des pensions militaires : il ne nous en reviendra ensuite qu’une faible partie, s’il en revient quelque chose après ces prélèvements. Pour tout le surplus, personne n’est en état de prononcer de chiffre. Le traité de Versailles n’a réglé avec précision ni le montant ni la date de notre créance. Au lieu de procéder par une évaluation forfaitaire, que l’Allemagne aurait acceptée au lendemain de l’armistice, et qui aurait donné une base à nos calculs budgétaires, le traité a remis l’appréciation des dommages à une Commission internationale des réparations, qui aura une tâche extrêmement difficile. L’esprit juriste l’a emporté sur l’esprit pratique, qui aurait été l’esprit de justice. Nous ne savons pas ce qui nous sera donné par notre ennemi vaincu, et nous sommes obligés, en attendant, de nous faire ses banquiers. C’est nous qui devrons avancer les sommes nécessaires à la réparation des dégâts, aux pensions, à bien d’autres dépenses encore. Pour y parvenir, nous devrons avoir longtemps encore des budgets extraordinaires lourdement grevés et comme nous empruntons à plus de 5 pour 100, tandis que l’Allemagne nous paie un intérêt de 5 p. 100, nous sommes banquiers à perte. Cette situation a fait à la Chambre l’objet des remarques de M. André Lefèvre. Au Sénat, M. Ribot, qui a été dès l’armistice le premier à attirer l’attention sur nos difficultés financières, a donné les avertissements les plus nets au sujet du paiement de l’indemnité allemande.

On comprend que M. Klotz ait jugé que des explications sur ce point dépassaient le cadre d’un débat financier. Mais l’opinion publique les attendra un jour du gouvernement. Est-ce la guerre moderne qui ne paie pas ? Est-ce la paix qui n’a pas payé ? L’auteur de la Grande Illusion, M. Norman Angell, soutient que, dans les conditions présentes de la civilisation, la guerre ne peut aboutir qu’à un affaiblissement universel et que le vainqueur arrive difficilement à recouvrer ses créances. Même en admettant que l’Allemagne soit hors d’état de réparer toutes les ruines qu’elle a causées, il reste à savoir si elle paiera tout ce qu’elle est en mesure de payer. Les enseignements du passé font voir que le vaincu a toujours subi la volonté du vainqueur, et cette loi est incontestablement juste quand c’est le vaincu qui a provoqué la guerre. Les négociateurs qui défendaient les intérêts français ne l’ont pas méconnue ; s’ils n’ont pas réussi à