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fait alors réfléchir M. Lloyd Georges n’ont pas cessé d’être valables.

Si les Alliés ne veulent pas laisser la garde des détroits aux Turcs qui les ont trahis en 1914, il leur est possible de confier à une organisation internationale le droit de souveraineté sur les eaux des Dardanelles et du Bosphore. Tout le monde est d’accord pour accepter cette solution, mais personne n’entend qu’elle implique l’obligation d’expulser le sultan de Constantinople. Le sort de Constantinople est étroitement lié aux problèmes politiques, militaires et religieux de l’Orient. L’Europe n’a aucun intérêt à les régler par une méthode de morcellement et de partage, qui peut avoir l’apparence d’offrir des avantages immédiats, mais qui serait d’une hardiesse bientôt funeste, et qui préparerait un avenir de troubles et de conflits. Elle peut au contraire constituer une Turquie encore vaste et viable, en la soumettant à un contrôle international, muni de pouvoirs réels et de moyens d’action, capable de surveiller l’administration et donnant des garanties de sécurité aux communautés chrétiennes. Cette politique sera plus saine à tous égards pour l’Europe qu’une politique de démembrement, préface de toutes les complications. Et comment ne pas se souvenir qu’elle est conforme aux traditions séculaires de la France ? Notre pays est, par le rôle qu’il joue en Afrique et en Orient, une puissance musulmane ; il est lié à l’Islam par une amitié ancienne ; il vient d’entreprendre une grande œuvre en Syrie et en Cilicie ; il a eu de tous temps des intérêts moraux et matériels à Constantinople où le français est la langue officielle du sultan et de ses ministres. Il ne saurait rien oublier, ni rien laisser périr de ce passé : nous ne doutons pas que, au cours des conversations qui se poursuivent entre hommes d’État, notre gouvernement saura défendre énergiquement la politique française en Orient.


André Chaumeix.


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