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mesure » de faire leurs cours en langue flamande. Sauf deux ou trois, préparant dès lors une trahison qu’ils devaient un peu plus tard accomplir ouvertement, tous répondirent négativement. La réponse de Fredericq s’achevait par la phrase suivante : « Je pourrais faire mes cours en flamand, mais je ne le veux pas. »

Cette fois, c’en était trop. La « flamandisation » de l’univerversité de Gand, question déjà ancienne et à propos de laquelle un projet de loi avait été déposé avant la guerre, était devenue, dans les plans de l’Allemagne contre l’indépendance de la Belgique, une pièce d’importance capitale. Il fallait à toute force empêcher l’avortement auquel l’attitude du corps professoral semblait la destiner. Discuter était impossible. Restait l’ultima ratio du régime auquel la Belgique était soumise, la terreur, la vraie cette fois. Le 13 février, un officier était expédié par le gouverneur civil de la Flandre orientale, le docteur Ecker, chez notre collègue le professeur Eeman, secrétaire du conseil académique de l’Université, et lui enlevait de force le registre aux délibérations du Conseil. On espérait sans doute y découvrir des révélations sensationnelles. On n’y trouva que l’expression ferme et digne de ce patriotisme belge dont von der Goltz pacha déclarait, en octobre 1914, que l’Allemagne ne demanderait l’abandon à personne. Le registre fut rapporté quelques jours plus tard chez M. Eeman. Pourtant il fallait faire un exemple. Frustrée du prétexte qu’elle avait cherché, l’autorité civile passa la main à l’autorité militaire. Elle lui marqua ses désirs, lui indiqua les deux « indésirables » à frapper, puis, suivant la coutume, affecta de se désintéresser de la question. « Messieurs les militaires » allaient désormais la débarrasser de tout souci et de toute responsabilité. Il ne lui resterait que le piteux ridicule d’un coup de force manqué. Elle s’en souciait médiocrement.

Le 18 mars, vers 9 heures du matin, comme je venais de me mettre au travail, un policier en vêtements civils me signifiait l’ordre de me présenter à l’instant à la Kommandantur. C’était la première fois, depuis le début de l’occupation, que j’y étais mandé. Il ne fallait pas beaucoup de pénétration pour deviner qu’il s’agissait d’une affaire d’importance. Tous les jours, d’ailleurs, on apprenait des arrestations, et, me sachant surveillé, j’étais de longtemps préparé à tout. Mais mon homme m’affirmait