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passé ? Les Alliés n’ont rien ignoré de ces difficultés qui les dépassaient de beaucoup. Leur rôle était de faire l’union entre tous les éléments antibolchévistes, d’exercer leur action pour rapprocher des pays qui avaient besoin de la même victoire, de rassurer les États allogènes et de garantir leur future autonomie. Ils n’y ont pas assez réussi. Ni Koltchak, ni Denikine, ni Youdenitch n’ont eu pour objet, quand ils progressaient, de s’installer sur les positions conquises, d’organiser fortement les régions antibolchévistes qui pouvaient devenir sûres, et de concerter ensuite leurs efforts : ils ont essayé d’aller frapper Petrograd et Moscou. Toutes les forces antibolchévistes avaient besoin pour réussir les unes des autres. Youdenitch, quand il avançait sur Petrograd, aurait eu plus de chances d’aboutir s’il avait été l’allié de l’armée finlandaise et Denikine au temps de sa victoire aurait pu tenter plus heureusement la marche sur Moscou, si l’armée polonaise s’était mise en mouvement dans le même temps que lui. Ni au point de vue politique ni au point de vue économique les forces antibolchévistes n’avaient un programme patriotique commun. Leurs chefs en ont tiré le meilleur parti possible, avec plus de succès parfois que les circonstances très difficiles ne permettaient de l’espérer. Finalement, ils se sont heurtés à une masse de 1 200 mille hommes dont 500 mille combattants, organisée et commandée par des officiers de l’ancienne armée. Aux chefs le gouvernement de Moscou, en effet, a dit : « La patrie est en danger, » et il a réclamé d’eux les cadres. Aux paysans il a dit : « La révolution est en danger, » et il les a transformés en soldats, qu’il nourrit et à qui il fournit en outre une abondante littérature de -propagande : et il a reconstitué une armée russe.

Aujourd’hui on peut se demander ce que tentera le gouvernement bolchéviste avec cette armée, on peut même se demander s’il tentera quelque chose. Il a préparé ses voies en Orient, et il essaie de troubler le monde musulman. Mais les Alliés ont le moyen de combattre leur propagande s’ils savent enfin faire la paix avec l’Empire ottoman, s’ils comprennent qu’ils ont un intérêt essentiel à installer en Turquie un gouvernement viable, à organiser le contrôle de l’administration et à développer les richesses d’un pays qui ne sera pas inutile à l’Europe. Du côté de l’Ouest, les bolchévistes ne paraissent pas désireux de poursuivre la lutte. Il n’est pas contraire aux faits connus d’imaginer qu’après une série de campagnes ils éprouvent le besoin d’une période de détente et de réorganisation : ils essaient de traiter avec la Pologne. Les propositions qu’ils font sont assez