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constellations se sera alors déplacée de 47° (plus de la moitié d’un angle droit) par rapport à sa situation actuelle.

L’étoile de Barnard n’a guère comme éclat global que la deux-millième partie de l’éclat du soleil. En tenant compte de sa température, on peut en déduire que son diamètre doit être inférieur au tiers de celui du soleil. Le fait que par mètre carré la surface de cette étoile émet 170 fois moins de lumière que le soleil ne prouve d’ailleurs nullement que cet éclat soit négligeable.

Il est encore trente fois supérieur à celui d’une surface égale d’acier fondu, ce qui prouve que même les quantités qui, astronomiquement parlant, sont petites et médiocres, sont en réalité encore prodigieuses à côté de celles que peuvent réaliser, même armées des moyens les plus modernes de la technique, les faibles mains humaines.

À côté de ces étoiles naines, et à l’autre extrémité de la famille stellaire, on peut signaler des géantes remarquables. C’est en réalité par le développement de méthodes nées en France, que Uussel est arrivé aux remarquables résultats que nous avons signalés, et on me permettra de rappeler à cet égard que, bien longtemps avant ces travaux, l’auteur de ces lignes a établi par des expériences et démontré dans un travail présenté à l’Académie des Sciences en 1910, que l’étoile Aldébaran notamment (la plus belle étoile de la constellation des Taureaux) est un astre géant dont le volume est 2190 fois plus grand que celui du soleil. Parmi les remarques que suggèrent, quand on y réfléchit quelques instants, les découvertes récentes qui viennent d’être exposées, il en est une qui me paraît particulièrement suggestive.

C’est que, somme toute, de même que l’humanité, suivant un mot célèbre, est composée de plus de morts que de vivants, de même l’univers stellaire tout entier traîne dans les replis de ses abîmes glacés, intiniment plus d’astres morts et éteints à jamais que d’étoiles éclatantes et vives. C’est la loi mélancolique de tout le monde sensible, semble-t-il, que ce qui vit, ce qui vibre, ce qui brûle et rayonne, ne soit jamais qu’un éclair une foudroyante et brève parenthèse dans l’éternel cortège des choses sombres et des choses mortes.

Charles Nordmann.