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tion. Mais la ville n’avait pas d’enceinte continue ; la place était menacée d’investissement par le mouvement des armées allemandes qui avaient franchi la Meuse en amont et en aval de Liège. Grâce à l’esprit de décision et à l’initiative de Ludendorff qui suivait l’opération comme officier d’État-major et prit le commandement d’une brigade dont le chef venait d’être tué, les Allemands arrivèrent à rompre par surprise la ligne belge entre deux forts le 6 et à pénétrer dans la ville le 7 août. Le général Leman fit retraiter la division d’armée et une brigade supplémentaire mises à sa disposition et qui échappèrent ainsi à l’enveloppement. Chaque fort détaché se défendit isolément et nécessita la mise en batterie des plus gros calibres ; le général Leman fut pris le 14, enseveli vivant sous les ruines du fort Loncin, dont un obus de 420 avait atteint le dépôt de munitions. Les dernières résistances se prolongèrent jusqu’au 17.

La défense de Liège avait infligé à l’offensive allemande un retard considérable, et l’armée française avait le temps de s’étirer vers le Nord et de rectifier ses premières dispositions. La magnifique attitude de la Belgique, dressée à la parole de son Roi magnanime et refusant de s’incliner devant la force brutale, se fixait dans un geste héroïque, qui faisait réfléchir le monde civilisé tout entier. Bien lente à s’émouvoir, la conscience universelle ne pouvait méconnaître qu’un crime contre la foi jurée venait de se commettre et que le châtiment pourrait bien venir des victimes elles-mêmes, car elles trouvaient, dans la conscience de leur bon droit, des forces imprévues.

Les circonstances dont s’accompagnait cette violation des traités les plus solennels la rendaient particulièrement odieuse. Les incendies, les pillages, les exécutions sommaires sans jugement, les massacres de femmes et d’enfants avaient accompagné les troupes allemandes dans leur marche à travers le pays neutre. Vainement les coupables ont invoqué l’attitude de la population civile belge, qui aurait pris part à la lutte et tendu des guet-apens ; c’est tout au plus si l’on peut admettre que les soldats allemands ont été systématiquement mis en garde contre les francs-tireurs belges qui n’ont jamais existé, et excités à l’avance contre les habitants essentiellement paisibles ; la nervosité des premiers combats aidant, quelques-unes des atrocités ont pu être commises avec l’idée de se venger,