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comment finit la guerre.

Au télégramme du général en chef, il faut ajouter une constatation : la conduite des généraux qui l’avaient motivé a été l’objet d’une enquête approfondie ; l’opportunité du repli reste discutable, mais tout soupçon de défaillance a été nettement écarté. L’heure est venue où toute vérité peut et doit être dite ; s’il y avait quelques ombres à ce magnifique tableau, elles ne sauraient lui nuire, mais il n’y en a pas. Certes, tous les traits ne s’y présentent point sur le même plan ni avec la même valeur, mais tous ont leur place dans l’ensemble.

Le général Pétain prend le commandement le 26 février. Aussitôt le front s’organise pour la défense pied à pied, accompagnée de vigoureuses contre-attaques ; il est divisé en secteurs, entre lesquels se répartit l’artillerie lourde qui arrive ; pour l’approvisionnement, les études antérieures encore un peu théoriques sont réalisées ; la route entre Bar-le-Duc et Verdun, qui craque sous le poids sans cesse croissant des camions automobiles, est réparée par des équipes de territoriaux et doublée par des pistes latérales. La situation reste très confuse, à tel point que, le 26, le général Pétain ignore la prise de Douaumont et craint pour les forts de Vaux et de Souville, peu rapprochés de Verdun, et qui ne sont pas encore menacés. Il engage ses renforts et la lutte est très vive sur le sommet de Douaumont. Notre ligne dépasse le fort à l’Est et à l’Ouest, et l’enserre ; sur ce point devenu capital, la bataille fait rage. C’est seulement le 4 mars que le front français se fixe pour quelques semaines à 200 mètres au Sud du fort. Sans doute les contre-attaques prescrites procurent rarement un gain de terrain appréciable, mais elles brisent l’offensive allemande, déconcertée par cette nouvelle figure de la résistance. Le général Joffre ne cesse de rappeler leur nécessité ; il écrit au général Pétain, le 27 février : « Au point où en est la bataille, vous sentez comme moi que la meilleure manière d’enrayer l’effort que prononcera l’ennemi est de l’attaquer à notre tour. » Et le 1er mars : « Vous disposez maintenant de forces plus nombreuses que celles qui vous sont opposées… Il faut surtout que vous preniez l’initiative d’actions offensives visant des buts définis. » Il faut le dire, cette volonté d’agression n’est pas comprise de tous. Le réflexe ne s’est pas encore créé de rendre le coup instinctivement, sitôt reçu, et de reprendre la tranchée, sitôt perdue, — quand tranchée il y a.