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comment finit la guerre.

attaques successives à objectifs limités devaient rejeter peu à peu l’ennemi de la zone où il s’était fortifié, tout en lui infligeant des pertes supérieures à celles de l’assaillant ; enfin, il serait obligé de livrer bataille en rase campagne, après un nombre de semaines ou de mois qu’on ne pouvait calculer et, après l’avoir ainsi dominé, on en aurait raison. Son front sans cesse pressé et reculant sans cesse finirait par s’effondrer.

Cette méthode très sage visait à l’économie de l’infanterie : l’artillerie conquiert, l’infanterie occupe. L’ennemi est forcé de tenir constamment la position avec des forces assez denses, puisqu’il ignore le moment de l’attaque ; l’assaillant, au contraire, ne fait entrer en ligne ses troupes d’attaque qu’au moment choisi par lui et jusque-là, il n’offre que le minimum de troupes aux coups du défenseur. Les longues et minutieuses préparations que nécessite l’attaque et surtout les tirs de destruction prolongés indiquent à peu près à coup sûr le front menacé, mais l’assaillant garde encore le bénéfice de la surprise tactique et l’instant choisi reste inconnu de l’ennemi. Le calcul s’est vérifié et les pertes allemandes ont été sur la Somme incomparablement plus fortes que les françaises. Mais les pertes françaises ont été très lourdes ; la progression en terrain bouleversé était coûteuse. Puis on ne peut compter que l’attaque réussira à tout coup ; quelles que soient les précautions prises, le hasard jouera toujours son rôle à la guerre et on ne peut l’écarter entièrement en affirmant qu’on emploie une méthode scientifique. Or, une attaque qui échoue est toujours très coûteuse, même si on n’a mis en ligne que le nombre d’hommes strictement nécessaire. Dans la lutte au milieu des positions fortifiées, le terrain s’achète au prix de beaucoup de vies humaines, d’autant plus que le temps laissé à l’ennemi pour se rétablir après chaque affaire et pour reconstituer son système d’artillerie augmente les pertes de l’attaque suivante ; il faut s’avancer méthodiquement, certes, mais avec toute la rapidité que permet la situation.

Il aurait donc fallu méditer, — et appliquer, — les recommandations du général Foch dans l’une de ses instructions : « Il reste entendu d’ailleurs que la poursuite méthodique d’objectifs déterminés n’exclut pas l’exploitation immédiate aussi étendue que possible, dans une direction quelconque, d’une défaite ou même d’un désarroi de l’ennemi se produisant au