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Une éducation comme celle-là, faite par les plus beaux paysages du Nord et du Midi, peut suffire pour un poète lyrique. Quand on veut être un esthéticien et un historien de l’art, il y faut tout autre chose. Après avoir regardé longuement les couleurs et les nuances des ciels et des terrains, étudié le squelette d’une feuille ou la structure d’une branche d’arbre, il reste à se familiariser avec les procédés et les techniques des gens dont c’est le métier de représenter la figure du monde, y compris la figure humaine, — de refléter en un mot la totalité de la vie. Et c’est ainsi que notre Dauphinois, comme un compagnon de saint Luc, un imagier ou un maçon de l’ancien temps, s’est mis à courir l’Europe, ses musées et ses fabriques, pour savoir comment est faite une œuvre de bon ouvrier. Naturellement, il a beaucoup vécu en Italie. Il a largement et fréquemment séjourné à Florence, à Naples, à Rome, à Venise et à Milan. Les Italiens du « Quattrocento, » dont les effigies remplissent les palais, les académies et les églises des grandes villes d’art, sont devenus pour lui presque des contemporains. Leurs peintres lui ont livré les secrets de leur palette et de leur pinceau. De là, il est allé en Allemagne et en Hollande, voire à Copenhague, lorsqu’il a voulu étudier de près les procédés de la céramique. Et lorsque le « style moderne » s’est imposé de force à la discussion du théoricien comme à l’attention du passant, — pour en avoir le cœur net, — il s’en fut le relancer jusqu’en sa tanière tudesque : à Munich, il visita les ateliers des ébénistes et des marchands de meubles, comme les glyptothèques et les pinacothèques. Auparavant, lorsque le préraphaélitisme commença à préoccuper, — un peu tardivement, — la critique française, il avait passé le détroit, et il était allé se renseigner chez eux sur les Burne-Jones, les Gabriel-Dante Rossetti et les Holman Hunt.

Pendant plusieurs mois, il vécut à Londres, dans un intérieur bourgeois et strictement londonien. De ce séjour en Angleterre, il rapporta, sur les Anglais et sur la vie anglaise, des notions qui contredisent passablement l’image trop flattée que d’autres voyageurs, à partis pris idéologiques, nous en avaient tracée dans des livres fameux.


Toutefois, à se promener ainsi à travers l’Europe, ne risque-