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une gloire comparable à celle des armées qui nous ont sauvés de l’invasion ; mais, tout de même, observés comme nous le sommes aujourd’hui par le monde entier, ce n’est pas seulement notre crédit financier que nous allons jouer, c’est notre réputation morale, et, s’il est vrai que l’amour-propre soit un des ressorts les plus puissants de l’âme française, voici pour nous l’occasion de veiller sur notre renommée et de nous astreindre à rester dignes de nous-mêmes.

La Chambre, qui s’est trouvée, au lendemain des élections, en présence des plus formidables problèmes économiques et sociaux et qui n’a peut-être pas reçu assez vite, aux portes de ce redoutable labyrinthe, les directions qu’elle attendait, s’est cependant mise à l’œuvre avec un zèle de bon augure. Suivant qu’elle accomplira jusqu’au bout, sans défaillance, sa tâche d’intérêt public ou qu’elle s’en laissera détourner par des préoccupations inférieures, elle prendra ou non dans l’histoire la place d’une grande assemblée réparatrice. Il lui appartient de ramasser rapidement dans le pays toutes les forces de résurrection et de les grouper pour le salut commun.

Devant le Sénat, M. Ribot, qui excelle toujours dans l’analyse des fautes gouvernementales ou parlementaires, s’est montré sévère pour la gestion financière de l’an passé. Il a expliqué qu’au lendemain de l’armistice le change était presque au pair, parce que tout le monde avait confiance dans l’énergie et dans le prompt relèvement de la France. Mais, depuis lors, a-t-il ajouté, on s’est aperçu que nous ne faisions que des discours : les capitaux étrangers ont désappris le chemin de notre pays, et aujourd’hui nous sommes en proie à une double crise, crise des changes et de la trésorerie.

Dans les deux assemblées, tous les orateurs, M. François Marsal, ministre des Finances, M. Milliés Lacroix, M. Doumer, M. Ancel, M. Loucheur, et j’en devrais déjà citer beaucoup d’autres, ont commencé à débrider nos plaies et à préparer avec autorité les opérations inévitables. Hâtons-nous. Chaque minute qui passe est perdue pour la renaissance du pays.

Pendant les terribles années où les nations libres ont lutté pour arracher le droit menacé à l’étreinte mortelle de l’Allemagne, elles n’ont eu qu’une pensée, la guerre, et qu’un objectif, la victoire. Pour atteindre leur but, elles ont jeté dans la fournaise, quelquefois même avec une prodigalité un peu imprudente, des centaines de milliards et elles ont amoncelé d’énormes dettes dont les intérêts pèsent maintenant, d’un poids écrasant, sur les budgets des États. Lorsque l’Allemagne a reconnu sa défaite, une fièvre de dépenses s’est tout à