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impôts actuels; le gouvernement demande, pour 1920, sous forme de taxes directes ou indirectes, six ou sept milliards d’impôts nouveaux; et il attend de la liquidation des stocks une recette accidentelle de trois milliards. Ce serait donc, au total, un premier bloc de 21 milliards de ressources; mais, pour assurer le vote des impôts indispensables, le gouvernement fera bien d’engager nettement sa responsabilité. Il ne peut nourrir l’illusion que les intérêts particuliers se sacrifient tous spontanément à l’utilité générale et que les députés aient l’héroïsme de s’offrir en holocauste à la Nation, s’ils ne se sentent pas soutenus, vis-à-vis des électeurs mal renseignés, par l’autorité ministérielle. M. François Marsal, qui ne connaît peut-être pas encore toutes les finesses de la vie parlementaire, a été un peu surpris, l’autre jour, qu’à propos des droits sur les vins, quelqu’un lui demandât s’il poserait la question de confiance; et comme il n’éprouvait pas le besoin de répondre, tout de suite, affirmativement : « C’est, lui a-t-il été dit, que, si vous ne la posez pas, je ne pourrai jamais me justifier, dans mon département, d’avoir voté la surtaxe. » Faiblesses humaines, vous écriez-vous. Sans doute. Mais, en dehors de la Néphélococcygie d’Aristophane ou du pays des Houyhnhums, y a-t-il beaucoup d’assemblées de législateurs qui ne soient pas composées d’êtres humains?

Quant aux emprunts, le succès du plus récent est assurément fait pour nous réconforter. Mais, pour que les prêteurs français renouvellent désormais leurs souscriptions et pour que les marchés étrangers, même ceux des nations les plus sympathiques, se rouvrent à nos capitaux, il faut que nous démontrions clairement à l’opinion universelle notre ferme résolution de relever notre crédit par l’économie, le travail et la production. Que nos amis se rassurent et que nos adversaires ne se hâtent pas trop de se réjouir! Si le mal est sérieux, disait M. Ancel, l’organisme est robuste et sain; et M. Loucheur rappelait, à son tour, que si, au mois de janvier 1919, nos exportations n’atteignaient encore qu’environ deux cent millions, la courbe avait peu à peu monté. En décembre, ces exportations s’élevaient à huit cent millions, et, cette année, l’amélioration continue. Ce sont là des signes favorables. Si, au milieu de tant d’obstacles, notre activité industrielle et commerciale a déjà recouvré une part de sa fécondité, nous avons le droit d’espérer que bientôt le fléau de la balance tendra vers l’horizontale. Il a malheureusement encore un assez grand arc de cercle à parcourir, puisque, l’an passé, nous avons importé pour près de trente milliards, alors que nous