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parler : elle a agi. Il était temps. La tragi-comédie dont l’Allemagne nous offre le spectacle déconcertant avait continué avec un large développement de l’intrigue et une rapide multiplication des péripéties.

Premier acte. Coup d’État militaire à Berlin. Le Gouvernement du Reich cède la place à Kapp et à Lütwitz. Il laisse auprès d’eux un agent de liaison. La tentative de révolution impérialiste n’échoue que devant la résistance de la classe ouvrière et devant la grève immédiatement déclarée. Dès le 15 mars, au lendemain de ce mouvement insurrectionnel, les autorités militaires allemandes demandent aux Alliés l’autorisation d’envoyer dans la Ruhr des troupes supplémentaires. Deux jours après, le sous-secrétaire d’Etat de Haniel, celui-là précisément qui était resté à Berlin pour garder le contact avec Kapp et Lütwitz, renouvelle la demande au nom du Gouvernement légal. On nous assure que le bolchévisme est déchaîné dans le bassin de la Ruhr, qu’il gronde à nos portes et que, pour protéger l’Europe contre ce monstre furieux, la Reichswehr doit entrer, toutes bannières déployées, dans la zone neutre. Cependant ceux de nos officiers qui traversent la région, aussi bien que les Hauts Commissaires alliés de Coblentz, s’accordent à nous dire qu’il n’y a point de troubles graves dans le bassin, que le travail n’y est pas interrompu, que rien ne justifie l’occupation par les troupes du Reich et que, tout au contraire, leur arrivée risque de provoquer un conflit sanglant et expose à des attentats une partie du gîte minier. Nous refusons l’autorisation demandée.

Deuxième acte. Négociations du ministère Bauer avec les syndicats ouvriers, accord de Bielefeld, accalmie trompeuse, formation du cabinet Müller, ultimatum du 20 mars à l’adresse de ceux qu’on appelle pompeusement les insurgés du bassin houiller rhéno-westphalien. La Reichswehr se masse aux lisières de la zone neutre : le général de Watter lance, à son tour, un second ultimatum, plus raide que le premier; mais, comme le gouvernement allemand ne reçoit toujours pas notre autorisation, il essaie de nous endormir par des promesses d’abstention. Le général de Watter et le commissaire du Reich, M. Severing, font distribuer par avions des somma-lions aux ouvriers et les démarches se multiplient pour obtenir l’autorisation des Alliés. La France tient bon. Elle ne veut pas que les mineurs, s’ils sont attaqués par des généraux prussiens, détestés en Westphalie, et par des troupes qui poussent encore des vivats en l’honneur de Guillaume II, puissent supposer qu’ils sont livrés