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comment finit la guerre.

une « manœuvre géniale » d’Hindenburg ; l’armée allemande s’était créé des disponibilités, et il semblait que son recul était destiné à lui faire prendre du champ pour bondir en avant. L’opinion était donc complètement rassurée, mais restait dans l’attente.

En fait, les disponibilités n’existaient pas encore, et l’attitude agressive des armées alliées forçait les Allemands à garder devant eux six divisions sur le nouveau front comme sur l’ancien. L’aveu de faiblesse ne fut compris ni en Allemagne ni en France, où l’on fermait les yeux sur les résultats obtenus en 1916, particulièrement sur la Somme, où l’usure allemande avait été terrible.

Mais ce repli avait une bien autre conséquence, que Ludendorff a certainement vue sans l’avouer, et l’on conçoit qu’aux premiers renseignements du général d’Espérey du 4 mars, le général Nivelle ait répondu le 7 : « Il paraît peu vraisemblable que l’ennemi abandonne sans combat ou même sans résister à outrance l’un des principaux gages qu’il tient sur notre sol, c’est-à-dire la ligne la plus rapprochée de Paris, jalonnée par Roye-Noyon-Soissons. » Si l’attaque allemande de mars 1918 était partie de la ligne de mars 1917, il n’y a aucune raison de supposer qu’elle n’eût pas obtenu des résultats analogues, donc une progression de 40 kilomètres environ. C’était Amiens et Compiègne dépassés de beaucoup, l’armée anglaise coupée de la française et rejetée sur la côte, l’ennemi devant les forts de Paris.


Cependant le Comité de guerre français approuvait le plan d’offensive exposé par le général Nivelle et le pressait d’agir, afin de devancer une attaque allemande qui eût renouvelé pour les Alliés la crise dangereuse du commencement de 1916. En janvier, le War Committee avait entendu à Londres le général Nivelle et approuvé son projet. Une conférence interalliée s’était tenue à Calais les 26 et 27 février et l’attaque avait été prévue pour le commencement d’avril ; le gouvernement britannique admit la nécessité du commandement unique pour l’offensive et subordonna sir Douglas Haig au général Nivelle pendant les opérations qui allaient commencer. C’était là un point capital ; pour la première fois, les troupes britanniques