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droite et le centre de la 5e armée progressent de 2 à 3 kilomètres. Les chars d’assaut, employés pour la première fois, étaient destinés à l’enlèvement de la troisième position ennemie ; la lenteur imprévue de la progression laissait intacts les observatoires d’où les Allemands réglèrent sur eux le tir de leur artillerie ; le trop long parcours qui leur était imposé avait amené à les surcharger de bidons d’essence qu’enflammèrent les projectiles. L’infanterie n’était pas instruite à manœuvrer avec eux et profita peu de leur avance. Ils éprouvèrent de lourdes pertes ; dans cette première expérience, l’héroïsme de leurs équipages acheta très cher de maigres résultats.

La gauche de l’armée Mazel est promptement arrêtée sur le plateau de Craonne. À la 6e armée, la 10e division coloniale Marchand enlève d’un magnifique élan la position d’Hurtebise et quelques détachements parviennent jusqu’à l’Ailette ; mais sur le plateau de Craonne et de Vauclerc, les mitrailleuses ennemies sortent des creutes profondes où elles avaient été tenues à l’abri de l’artillerie ; la lutte se fait très dure ; les détachements qui se sont aventurés sont pris par derrière et doivent se replier. Au centre, la progression est meilleure, bien que très difficile ; l’attaque, arrêtée après un bond de 500 à 2 000 mètres, avance de nouveau ; à gauche, le débouché a été bon, mais l’avance est rapidement arrêtée, rejetée même sur certains points dans sa ligne de départ.

La bataille n’a pas pris la forme prévue, mais elle continue. Ce n’est pas le succès escompté, rapide, foudroyant même, mais c’est le succès. Comme tout le dispositif d’attaque se portait d’un bloc en avant, les réserves, enserrant sur les premières lignes arrêtées auraient pu s’y entasser sous le feu de l’artillerie ennemie et éprouver de fortes pertes : à la 6e armée, des dispositions prises à l’avance avaient permis de les arrêter sur la rive gauche de l’Aisne. D’ailleurs les contre-batteries ont été très efficaces et ont amorti beaucoup les effets de l’artillerie ennemie. C’étaient les mitrailleuses qui arrêtaient l’attaque : les procédés employés à Verdun en pareil cas furent immédiatement rappelés : on attaquera les centres de résistance ennemie, après avoir concentré sur eux le tir du nombre de batteries nécessaire, mais on continuera à attaquer, en s’usant beaucoup moins que le défenseur.

Mais le 16, dès dix heures du matin, le général Micheler