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probable que M. Henry Bordeaux n’a pour aucun des volumes sortis de sa plume des regards plus tendres que pour cette « contrefaçon. » Et je livre l’anecdote à ceux qui, en 1916 et 1917, disaient : « Est-ce le moment d’écrire ? »

Le général Pelle, major général, estimait vers la fin de 1916, on l’a dit ici, que c’était « le moment d’écrire. » Il entendit élargir la Section d’information du Grand Quartier général et y appela, entre autres officiers, le capitaine Bordeaux. C’était le placer à un observatoire aux vues plus étendues. Henry Bordeaux ne le quittera officiellement que quelques mois de 1917 pour retourner à une armée; en réalité, tous ceux qui l’ont connu au Grand Quartier savent qu’on ne l’y voyait que juste le temps qu’il lui fallait pour rédiger les études dont il allait, suivant la règle qu’il s’était imposée, chercher sur les fronts de bataille les éléments vivants. C’est ainsi que, désigné d’avance pour faire connaître au pays la bataille qui s’allait livrer en octobre 1917 autour du fort de Malmaison, il voulut être de la fête dans les rangs du 4e zouaves, — ce qui vaut tous les documents. De cette « excursion » a jailli le magnifique récitque publiaient, quelques mois après, les Lectures pour tous.

Le romancier s’était décidément fait historien. Sa pénétration, exercée par vingt ans d’observation, le préparait à cette tâche nouvelle. J’ai vu la lettre où le défenseur du fortde Vaux, l’héroïque commandant Raynal, déclarait les Derniers jours un « monument de vérité ; » or il avait fallu, en ce qui concerne les dernières heures de la défense, que M. Henry Bordeaux s’en tint aux témoignages parfois discordants et en dégageât l’histoire.

Au cours d’un de ses séjours au Grand Quartier, alors installé à Compiègne, il avait rencontré Georges Guynemer. Il avait vu l’aviateur dans la maison de ses parents. Dans l’état d’exaltation chronique où nous jetait le contact constant de l’héroïsme, la rencontre de ce Roland des nues devait émouvoir jusqu’au fond de l’âme l’auteur de la Chanson de Vaux-Douaumont. Lorsque, quelques mois après, il eut appris la disparition « en plein ciel » du héros, il composa la « chanson » de ce paladin de l’air. C’est, — nos lecteurs s’en souviennent, — un des plus beaux livres qu’il ait écrits, en tout cas le plus propre à surexciter en de jeunes âmes la passion de servir. Il venait de l’achever quand, le 21 mars 1918, le grand assaut