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d’alliés lointains, nous procurent sans cesse des forces nouvelles. La Force noire s’ajoutera à toutes les autres… Nous disposons donc de réserves pour ainsi dire indéfinies, dont là source est hors de portée de l’ennemi. Tant que nous garderions un port et la maîtrise de la mer, il ne faudrait pas désespérer du succès. Dans l’état actuel de l’Europe, la Force noire fait de nous le plus redoutable des adversaires. »

Il faut ajouter que nos ennemis étaient également hypnotisés par l’idée préconçue de la guerre courte ; leur demi-dieu Schlieffen et tous ses prophètes, y compris Falkenhausen et Bernhardi, en avaient fait un dogme. Et pourtant une bien autre autorité, devant laquelle tous auraient pu s’incliner, avait envisagé une hypothèse toute différente. Le vieux de Moltke, à la fin de ses jours, disait le 14 mai 1890 : « Si la guerre, qui depuis déjà plus de dix ans est suspendue sur nos têtes comme une épée de Damoclès, si cette guerre éclate, on ne peut prévoir sa durée ni sa fin. Ce sont les plus grandes Puissances de l’Europe qui, armées comme elles ne l’ont jamais été, s’avancent les unes contre les autres au combat ; aucune d’entre elles ne peut être complètement abattue au cours d’une ou deux campagnes, au point de se reconnaître vaincue, de se résoudre à la paix à de dures conditions, de ne pouvoir se relever même au bout d’un an pour reprendre la lutte. Ce peut être une guerre de sept ans, une guerre de trente ans… »

Ainsi tous les États-majors croyaient fermement à la guerre courte, et cette erreur collective était compréhensible. Mais en France, cette croyance avait une telle force qu’elle interdisait d’envisager l’hypothèse de la guerre longue.

Dans l’Afrique du Nord, le 19e corps d’armée mobilisa 4 divisions, mi-partie zouaves et tirailleurs indigènes, et le Maroc fournit la valeur de 3 divisions (37 bataillons) qui furent d’ailleurs remplacés par des territoriaux et des bataillons sénégalais de nouvelle formation. Au point de vue des contingents indigènes, on se bornait, en cas de mobilisation, à utiliser au mieux les troupes du temps de paix, renforcées hâtivement par l’appel des anciens tirailleurs libérés.

La Tunisie avait heureusement gardé le service militaire obligatoire, que ses instructeurs français avaient fait adopter par le Bey avant notre conquête. C’est sans effort qu’elle donna 30 000 hommes en 1914-15, malgré la situation troublée de la