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sont manifestés jusque dans cette œuvre de colonisation intérieure qu’est la reconstitution des régions dévastées. Il me suffira de rappeler, — sans insister sur cette triste situation, — que plusieurs membres du Comité consultatif dhygiène des régions libérées, et à leur léte le docteur Calmette, se sont crus dans l’obligation de donner leur démission parce que, dans l’œuvre de reconstitution des villes et bourgades, l’administration prétend remettre les choses exactement dans l’état où elles étaient auparavant sans tenir compte des améliorations indispensables concernant l’hygiène, l’aération, le tout à l’égout, les canalisations d’eau, etc. Tout cela est triste ; mais ce n’est qu’en le faisant connaître qu’on court quelque chance de le voir cesser. Lorqu’une plaie est infectée, la première chose à faire est de la débrider, car la plupart des germes pathogènes ne résistent pas à la lumière.

À toutes les raisons que nous venons de donner et qui imposent aujourd’hui l’étude plus sérieuse que jamais des questions de pathologie exotique, s’en ajoute une autre essentielle et à laquelle chaque Français sera sensible, si réfractaire qu’il puisse être aux affaires coloniales : c’est que certaines des maladies, certains des fléaux qu’on croyait ne devoir jamais sortir des contrées exotiques, ne jamais devoir menacer l’Europe, ou du moins la France, sont aujourd’hui à nos portes, et auront bientôt franchi ces [portes et pénétré largement chez nous, si nous n’y mettons obstacle. Parmi ces fléaux exotiques, dont l’offensive aujourd’hui menace l’Europe, il y a avant tout la malaria, le typhus et la peste, sans parler d’autres affections de lointaine origine dont l’importance et la gravité sont moindres.

Qu’est-ce qui a rendu possibles, ces menaces et urgentes les précautions qu’elles imposent ? C’est avant tout les grandes migrations d’hommes et d’animaux causées par la guerre mondiale ; c’est l’arrivée en Europe de soldats et de travailleurs africains, asiatiques, australiens par milliers ; c’est la misère causée par la guerre, les privations qu’elle a imposées et que ses conséquences imposent encore à beaucoup d’hommes,et qui, en débilitant les organismes, ont augmenté leur réceptivité aux germes pathogènes, diminué la vigueur de leurs réactions organiques défensives. C’est, à côté de la misère, sa compagne la saleté qui, multipliée par les promiscuités, a affaibli un peu partout la pratique de l’hygiène et des soins corporels etlaissé libre cours aux insectes parasites, si dangereux par les microbes qu’ils véhiculent. C’est le relâchement des règlements et mesures sanitaires qu’on aurait dû au contraire appliquer plus rigoureusement que jamais en présence de celle situation.