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Ce qu’il faut pour réaliser une prophylaxie efficace contre la malaria, c’est, d’une part, traiter les hommes atteints, d’autre part, protéger ceux qui sont indemnes des piqûres des moustiques transmetteurs (anophèles), enfin détruire ces moustiques.

Or, d’une part, il est reconnu que la portée du vol des anophèles ne dépasse guère 2 kilomètres et que ces insectes ne peuvent voler vers les endroits élevés; il suffira donc d’évacuer les endroits à une distance moindre que celle-là, des gites possibles des anophèles, c’est-à-dire des endroits marécageux et à eaux dormantes. Cette évacuation sera nécessaire pour les bien portants, mais encore bien plus pour les paludéens en traitement, qui cesseront d’être dangereux pour la collectivité, puisque les insectes transmetteurs, les exécrables agents de liaison de la maladie, ne pourront plus venir la sucerdans leur sang pour la transplanter aux individus sains.

Mais l’idéal serait non pas tant de se tenir hors de la portée des anophèles que de les empêcher de se reproduire. Or il est maintenant prouvé que leurs larves ne peuvent subsister que dans les eaux dormantes ; l’assèchement des régions marécageuses, le drainage si utile au rendement agricole des régions à marais détruiront donc du même coup les anophèles.

Faute de ces travaux de longue haleine qui ne peuvent être exécutés immédiatement partout, il y a un moyen de rendre inhabitables aux anophèles, même les eaux dormantes : c’est d’y répandre une légère couche de pétrole qui, étalé à la surface de l’eau, empêche les larves de moustiques de respirer et les tue. La pratique du pétrolage fréquent des eaux dormantes est pour beaucoup dans la diminution marquée de la malaria qu’on a obtenue en Italie et aux États-Unis. il est bien fâcheux que cette pratique ne soit pas réalisée systématiquement dans les régions françaises menacées depuis la guerre ou déjà infestées, comme certaines régions côtières de la belle Corse qui, à cet égard, nous fournissent les plus lamentables exemples de l’incurie bureaucratique.

Ce qui, en effet, peut donner quelque utilité française à cet exposé, c’est que, depuis la guerre, notre pays a cessé d’être un pays indemne de malaria. Non seulement de nombreux soldats nous sont revenus, d’Orient surtout, atteints de paludisme, mais on a constaté, endivers points du territoire, descas de la maladie d’origine nettement locale et on a découvert qu’il y a maintenant parmi nos moustiques nationaux un assez grand nombre d’anophèles. Pour éviter que le fiéau nouveau ne gagne du terrain chez nous, alors qu’il tend au contraire