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funestes d’une invincible fatalité ; la perte de deux de nos plus belles provinces altérait profondément la physionomie de la France, appauvrissait le génie de notre race et détruisait notre équilibre national. Jamais plus dure besogne de relèvement et de reconstruction ne s’était imposée à un peuple aussi dénué de ressources et aussi démuni de concours. Peu à peu cependant le travail a commencé. Autour de la République de plus en plus incontestée, se sont groupés des hommes venus de toutes les classes sociales et de tous les points de l’horizon politique. Une constitution péniblement édifiée comme demeure provisoire, est devenue, pour de longues années, un abri ouvert à tous les Français qui voulaient se consacrer à la restauration du pays. Sous l’égide d’institutions libres, les luttes d’idées, condition nécessaire de la vie publique, ont pris un caractère plus paisible et un rythme plus régulier. La souveraineté populaire s’est exprimée dans des assemblées qui n’en ont peut-être pas été toujours les interprètes très fidèles, mais qu’à intervalles périodiques, le suffrage universel a été maître de désavouer et de remplacer. Si éloigné de la perfection que pût être ce mécanisme, il a donné ou, tout au moins, laissé à la France les moyens de réparer ses brèches et de reprendre sa place au premier rang des nations.

A l’intérieur, elle a, en cinquante ans, réalisé de plus importantes réformes qu’elle n’en avait souvent réclamé en un siècle ou deux. Elle a renouvelé sa législation, accru sa puissance économique, fortifié sa renommée artistique et littéraire, et réussi à maintenir, dans son évolution politique, l’accord permanent de l’ordre et du progrès. Elle a commencé par panser les plaies d’une guerre malheureuse, par reconstituer son outillage industriel, par développer son réseau de chemins de fer et de canaux, par réviser son régime douanier, par apurer sa situation financière. Puis, elle s’est résolument attaquée au grand problème de l’enseignement public; elle a, tout en respectant la liberté des parents pour le choix des écoles et la pratique des cultes, décrété l’instruction primaire obligatoire et proclamé la gratuité de celle que donnait l’État; elle a multiplié les bourses dans l’enseignement secondaire pour le rendre plus accessible aux enfants des familles pauvres; elle a stimulé l’enseignement supérieur par la création d’instituts scientifiques, par l’augmentation, parfois un peu trop lente, des dotations et par la fondation d’universités qui, en mettant fin à la dispersion des Facultés, sont devenues de grands foyers de lumière et d’activité intellectuelle. Dans l’ordre social, elle a cherché à résoudre, dans un esprit de justice et de philanthropie, les questions qui touchent à