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modifiée au profit de la France, lorsque l’Autriche envoya son ultimatum à la Serbie. Encore devrais-je ajouter qu’à cette date la République avait soigneusement resserré ses relations avec les autres Puissances. Des visites réciproques entre les chefs d’État et de fréquents rapports entre les gouvernements nous avaient gagné l’amitié de la Belgique, de la Serbie, de la Hollande, du Danemark, de la Norvège, de la Suède. Le roi d’Espagne et son gouvernement avaient déclaré à la France que, si jamais elle était attaquée, elle pourrait, sans aucune appréhension, dégarnir la frontière des Pyrénées. La Suisse était sincèrement attachée à sa neutralité. Malgré les liens de famille qui entravaient alors la liberté de leurs deux rois, la Roumanie et la Grèce se sentaient certainement portées vers la France plutôt que vers l’Allemagne. Il n’était pas jusqu’à la Turquie et à la Bulgarie, dont les peuples, s’ils n’eussent été égarés par leurs gouvernants, eussent été animés envers nous de sentiments amicaux. Enfin, par-delà l’Océan, les États-Unis conservaient à la France libératrice une reconnaissance inaltérable, qu’ils trouvaient toujours plaisir à manifester, et l’Amérique du Sud, justement fière de sa civilisation latine, gardait au génie français toute son admiration.

Si haut cependant que se fût élevé le prestige de la France, si patiente et si bien inspirée qu’eût été sa diplomatie, si bien exercées même que fussent ses armées, l’agression dont elle a été brusquement victime en 1914 n’aurait pas été, pour tant de peuples, une raison suffisante de se jeter à nos côtés dans la lutte. Pour les déterminer, il a fallu que notre cause ne leur parût pas être seulement la nôtre, ni, en même temps que la nôtre, celle d’un petit peuple injustement attaqué, la Serbie, ni, en même temps que celle de la Serbie, celle d’une nation odieusement trahie par un de ses garants, la Belgique; il a fallu que l’univers comprit qu’en défendant nos droits, nous défendions les droits de l’humanité et qu’en prenant les armes pour sauver notre indépendance, nous écartions un péril dont allaient être menacées, après nous, beaucoup d’autres nations. C’est cette conviction générale qui nous a valu tant de concours et qui a donné à nos victoires une si grande portée. Il était juste qu’en célébrant, le 11 novembre, le souvenir de quarante-quatre ans d’efforts pacifiques, la France fêtât l’issue d’une longue guerre qu’elle n’a point recherchée, qui lui a coûté bien des larmes, mais qui s’est poursuivie à son honneur et terminée à sa gloire.

Sans doute, après tant d’épreuves et tant de succès, quelques Français se sont imaginé qu’ils n’avaient plus qu’à se coucher sur un