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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Pour un événement heureux que cette quinzaine nous permet d’enregistrer, que de déceptions nouvelles à marquer dans le livre sans fin de nos désillusions ! Hâtons-nous, du moins, de fêter l’accord que MM. Giolitti et Vesnitch ont signé dans la petite ville de Santa Margherita Ligure, charmante voisine de Rapallo. Les chefs des deux gouvernements italien et yougo-slave ont fait preuve, dans la conclusion de cet arrangement transactionnel, d’une grande clairvoyance politique. Ils se sont naturellement exposés, dans leurs pays respectifs, aux récriminations de quelques impérialistes, mais ils ont travaillé pour la paix et pour l’avenir. Nous qui, aux heures du péril, avons eu pour alliés les Serbes et les Italiens, nous ne pouvons que nous réjouir de voir un long et pénible différend faire place désormais entre eux à la confiance et à l’amitié.

Si M. Gabriele d’Annunzio a eu quelques velléités d’élever contre cette bienfaisante convention une de ces protestations lyriques où excelle son génie, et si, à son exemple, un petit groupe de nationalistes italiens a publié un manifeste enflammé, ces démonstrations isolées sont restées sans écho, et l’Italie, nous l’espérons, va pouvoir goûter dans le calme les fruits de sa sagesse. Elle est désormais en sûreté « sur toutes ses Alpes ; » elle a, sur beaucoup d’autres nations européennes et sur la France même, l’avantage d’être défendue par de solides frontières naturelles ; elle reçoit toute l’Istrie, et, en outre, elle obtient que Zara lui soit donnée et que Fiume soit proclamée indépendante. C’est une belle consécration de la victoire et M. Giolitti se dit certainement aujourd’hui que sa patrie n’a pas été trop mal inspirée en repoussant le parecchio.

En dehors du Trentin, l’Italie recueille un lot magnifique ; et lorsque de Trieste, qu’elle vient d’arracher à une captivité de plus de cinq siècles, elle jette les yeux sur l’Adriatique, elle peut se flatter d’en

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