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soupçonner son rival d’aspirer à la tyrannie ; et, en continuant l’énumération, on n’aurait pas grand peine à montrer que les victimes de la mobilité des anciennes démocraties grecques, ou bien n’étaient pas toujours sans reproches, ou bien avaient maladroitement donné prise à la calomnie. On dira que, pendant sa longue absence, M. Venizélos a été, lui aussi, violemment accusé par ses adversaires, que ses amis eux-mêmes n’ont pas toujours été très adroits, qu’il a tenu trop longtemps les Grecs mobilisés, et qu’une coalition d’intérêts lésés s’est formée contre lui. Mais, ni la versatilité du tempérament grec, ni quelques intrigues électorales, ni quelques mécontentements privés ne suffisent à nous faire comprendre l’étrange revirement qui s’est produit dans l’opinion hellénique. Il y a eu autre chose ; il y a eu, depuis plusieurs mois, la reprise éhontée de ces manœuvres constantiniennes, dont M. Ernest Daudet nous offre, en ce moment, un récit fidèle.

Les grands services rendus par M. Venizélos à son pays, le prestige personnel de l’illustre homme d’État, les accroissements territoriaux dont a profité la Grèce, rien n’a pu paralyser l’opiniâtre campagne entreprise, sous les auspices de l’Allemagne, par le roi détrôné et par ses mercenaires. Comme le disait notre ministre à Athènes, M. Guillemin, dans une dépêche dont M. Ernest Daudet publie le texte aujourd’hui même et qui date du 6 août 1916, il n’y avait alors que deux hommes en Grèce, le Roi et M. Venizélos, le premier étant le champion des Allemands, et le second le nôtre. Les Alliés ont été lents à s’en rendre compte, malgré les avertissements réitérés de M. Guillemin. Jusqu’à la journée funeste du 1er  décembre 1916, où fut traîtreusement attaqué notre petit détachement du Zappeïon, et même encore après ce sanglant épisode qui valut aux assassins les félicitations du Roi, Constantin eut à Paris quelques défenseurs impénitents. J’aime à croire qu’aujourd’hui tous les yeux sont dessillés et que nous ne nous laisserons pas duper de nouveau. M. Georges Leygues a pris, tout de suite, une position très nette et il a eu mille fois raison. Comme on connaît ses saints, on les honore. Malheureusement, nos alliés ont passé plusieurs jours à méditer sur la situation et les amis de Constantin en ont immédiatement profité. Nous avons été surpris, une fois de plus, par une attaque brusquée. Dans la même dépêche du 6 août 1916, M. Guillemin ajoutait que chaque fois qu’il s’était entretenu avec les hommes de l’entourage du Roi, même les Skouloudis, les Gounaris, les Rhallys, il n’avait jamais rencontré chez eux « sous une obséquiosité de surface, que le désir