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Des sacrifices, la France, d’ailleurs, vient encore d’en consentir de nouveaux. L’accord intervenu entre Paris et Londres pour le règlement des réparations met fin à de trop longues difficultés, qui risquaient de s’envenimer; mais il n’y a point à se dissimuler qu’il substitue à la méthode établie par le traité une procédure des plus compliquées. Réunion d’experts techniques, conférence des ministres alliés, Commission des réparations, Conseil suprême, que d’organes à mettre en mouvement! Nous devrons nous estimer heureux si, à chacun des quatre stades successifs que prévoit la convention, nous ne laissons pas encore quelques plumes. Sans doute, il a été décidé, et c’est un résultat important, qu’à Genève, devant les ministres alliés, les Allemands ne seraient entendus qu’à titre consultatif. Mais ce sont les gouvernements qui, sur le rapport des ministres, fixeront d’abord séparément le montant total de la dette et la capacité de paiement de l’Allemagne; et les instructions que recevront ensuite leurs représentants à la Commission des Réparations ne laisseront à celle-ci qu’un droit d’examen tardif et illusoire. Et puis, pourquoi est-il stipulé que la conférence des ministres alliés ne se réunira à Genève qu’après le plébiscite de la Haute-Silésie? Il est trop clair que, par cette disposition imprudente, on entend permettre à l’Allemagne de soutenir que sa capacité de paiement dépendra des résultats de ce plébiscite. Il était, à tout le moins, inutile de nous livrer à une manifestation de cette sorte, la veille d’une consultation électorale que les Allemands s’ingénient à fausser par l’audace et par la ruse. Mais enfin, ici encore, prenons les choses telles qu’elles sont et tâchons de tirer de celle procédure anormale et enchevêtrée le moins mauvais parti possible.

Notre ministre des Finances, notre délégué à la Commission des Réparations, nos experts, vont-ils être, du moins, en mesure de présenter et de soutenir une créance sérieusement évaluée? J’ai grand peur que les dossiers constitués au ministère des Régions Libérées ne nous réservent de pénibles surprises. Ils ont été formés, en général, non pas d’après les décisions, encore bien peu nombreuses, des commissions cantonales, mais d’après les évaluations arbitrairement faites par des fonctionnaires recrutés à la hâte et mal préparés à un travail aussi délicat. Ajoutez que ces agents sont portés, par une conception très louable de leur devoir professionnel, à sous-estimer la dette de l’Etat vis à vis des sinistrés et que les chiffres qu’ils défendent devant les commissions sont la plupart du temps majorés par celles-ci. Il y a donc de grandes chances pour que les