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Siège est une atteinte directe à la laïcité de l’État. Nous demandons que la France soit neutre en matière religieuse, non seulement à l’intérieur, mais à l’extérieur.

M. Paul Boncour, allant plus loin, avait revêtu de toute la somptuosité de son art oratoire cette idée maîtresse, que le rétablissement de l’ambassade de France au Vatican faisait partie d’un vaste programme de réaction politique.

C’est à ces deux ordres d’objections que le Président du Conseil et les deux rapporteurs ont tenu à répondre avec le plus d’abondance et de précision. Aucun de nous, ont-ils répété, ne veut revenir au Concordat ; aucun ne songe à répudier notre législation. Nous pensons simplement qu’il existe au Vatican une grande puissance spirituelle et qu’il y a péril à l’ignorer. Auprès de cette grande puissance spirituelle, s’est créé, d’ailleurs, un immense foyer d’informations et d’action universelle, ou, pour emprunter un mot à M. Ernest Lavisse, un véritable poste d’écoute, où se rencontrent les représentants de presque toutes les nations civilisées, des anciennes comme des nouvelles, de la Tchéco-Slovaquie, de la Yougo-Slavie, de la Pologne comme de l’Empire britannique, de la Finlande ou de l’Ukraine comme de l’Empire allemand. Nous estimons que la France doit être présente là où se trouvent réunis tant de peuples. Rien de plus. Rien de moins.

M. Colrat, qui n’a rien voulu laisser dans l’ombre, a expliqué, il est vrai, que le gouvernement précédent, d’accord avec la Commission des affaires extérieures et celle des finances, avait jugé bon, avant de faire venir le projet en discussion, de prendre contact avec la curie romaine. Un diplomate distingué, M. Doulcet, a été envoyé à Rome ; il est entré en rapports avec la secrétairerie d’État ; il a reçu un accueil encourageant. Le Vatican ne s’est pas plaint que la séparation eût été votée en France sans une dénonciation préalable du Concordat ; il n’a fait aucune difficulté pour régler, d’une manière satisfaisante, les conditions d’une visite éventuelle du Président de la République à Rome ; il a même examiné dans un esprit libéral la question des cultuelles et la Congrégation des affaires extraordinaires a décidé que devant la jurisprudence du Conseil d’État qu’on lui montrait, il n’y avait pas lieu de maintenir l’interdit contre la loi votée en France il y a quinze ans. Les lecteurs de la Revue ont connu, par un article retentissant, les diverses phases de cette négociation et l’incident qui y a mis fin. M. Briand aurait voulu qu’on la reprît et qu’on la fît aboutir. Le Président du Conseil, longuement interrompu