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HERBERT SPENCER. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE DE L’HOMME

Impulsion. — Ce caractère est très-voisin de celui que nous venons d’examiner : les émotions sans durée sont en effet des émotions qui poussent tantôt dans une direction tantôt dans une autre, sans aucune espèce de suite. Cependant on peut étudier séparément le caractère de l’impulsion, car il implique autre chose qu’un simple défaut de persistance. La comparaison des races humaines inférieures avec les races supérieures semble démontrer qu’en règle générale la violence accompagne les passions peu durables. Les emportements soudains auxquels se laissent aller les hommes de race inférieure sont d’autant plus excessifs qu’ils sont plus courts. Il y a donc probablement quelque affinité entre ces deux caractères : l’intensité produisant un épuisement plus rapide.

Remarquons en passant que les passions de l’enfance prouvent cette affinité et examinons certaines questions intéressantes relatives à la diminution d’impulsion qui accompagne le progrès du développement. Le système nerveux d’un être qui se laisse aller à l’impulsion est moins éloigné des actions réflexes que ne l’est celui d’un être qui sait résister à l’impulsion. Dans les actions réflexes nous voyons un simple stimulant qui se convertit soudain en mouvement, tandis que les autres parties du système nerveux n’exercent aucun contrôle ou tout au plus n’en exercent que fort peu. À mesure que nous arrivons à des actes plus élevés, provoqués par des stimulants de plus en plus complexes, nous ne voyons plus la même transformation instantanée en mouvements simples ; nous remarquons au contraire, un agencement plus réfléchi et plus variable de mouvements composés, toujours contrôlés et proportionnés. Il en est de même pour les passions et pour les sentiments chez les natures qui sont le moins développées et chez celles qui le sont le plus. Quand la complexité émotionnelle est peu considérable, une émotion excitée par une cause quelconque se transforme soudain en action, avant que les autres émotions aient été mises en jeu, et chacune des émotions se trouve de temps en temps dans cette situation. Au contraire, la constitution émotionnelle plus complexe est celle dans laquelle ces simples émotions se coordonnent de façon à ne pas agir indépendamment les unes des autres. Avant que l’excitation d’aucune d’entre elles ait eu le temps de se transformer en action, cette excitation s’est communiquée aux autres, qui sont souvent antagonistes, et la conduite se modifie de façon à s’ajuster aux ordres combinés des différentes émotions. De là résulte une diminution de la tendance impulsive et aussi une plus grande persistance. La conduite, étant dirigée par plusieurs émotions qui coopèrent en degré sans s’épuiser, acquiert une plus grande continuité, et tandis que les