Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

leur serait naturellement de 5,000 liv. st. ; les salaires venant à atteindre 55 liv. st., le prix de la machine devrait être alors de 5,500 liv. st. ; mais il n’en saurait être ainsi. Il faut nécessairement que la machine ait été créée par moins de cent ouvriers, car dans le prix primitif de 5,000 liv. st. doivent être compris les profits sur le capital qui a servi à payer les ouvriers. Supposons donc que quatre-vingts hommes seulement aient été employés à raison de 50 liv. st. par an, soit 4,250 liv. st. par an, l’excédant de 750 liv. st. que donnerait la vente de la machine, en dehors des salaires dépensés, représenterait alors les profits du mécanicien, et les salaires venant à hausser de 10 pour cent, il serait obligé d’employer un capital additionnel de 425 liv. st., ce qui porterait ses frais de production à 4,675 liv. st., au lieu de 4,250 liv. st. En continuant à vendre sa machine 5,000 liv. st., son profit ne dépasserait donc pas 325 liv. st. Or ceci s’applique à tous les manufacturiers et à tous les capitalistes ; la hausse des salaires les atteint tous indistinctement. Aussi dans le cas où le fabricant de machines élèverait ses prix en raison de l’augmentation des salaires, les capitaux afflueraient bientôt dans cette branche de la production pour ramener, par voie de concurrence, les profits à leur taux ordinaire[1]. Nous voyons donc ainsi que l’accroissement des salaires n’aurait pas pour effet de déterminer une hausse dans la valeur des machines.

Cependant le manufacturier qui, au milieu d’une hausse générale des salaires, se servirait d’une machine qui n’accroîtrait pas ses frais de production, jouirait nécessairement de trois grands avantages s’il pouvait continuer à vendre ses marchandises au même prix ; mais, comme nous l’avons déjà vu, il serait obligé d’abaisser les prix, sous peine de voir son industrie inondée par un immense afflux de capitaux dont l’effet serait de ramener ses profits au niveau général. C’est ainsi que la société en masse profite de l’introduction des machines ; ces agents muets et infatigables sont toujours le

  1. Ceci nous indique pourquoi les vieilles sociétés sont constamment entraînées à employer des machines et les sociétés jeunes à employer surtout du travail : à chaque nouvelle difficulté que présente la nourriture, l’entretien des hommes, le travail hausse nécessairement et cette hausse est un stimulant pour la création et la mise en œuvre de machines. Or, cette difficulté agit constamment dans les nations déjà avancées : tandis que la population peut se développer subitement dans un pays neuf sans amener de hausse dans les salaires. Il peut être, en effet, aussi facile de pourvoir à la subsistance de 7, 8 ou 9 millions d’individus qu’à celle de 3 ou 4 millions.