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16 RELIQUES


prairie qu’Arthur a fait revivre en des vers pleins de soleil et intitulés Mémoire (1), la fillette laissait fondre son cœur dans la joie de la nature. L’amour de la terre, que l’atavisme avait mis en l’âme d’Isabelle, s’ancrait alors par de si fortes racines que rien dans l’avenir ne pourrait plus l’arracher. Or l’amour de la terre n’est-il pas la base de l’amour de vivre ?

Dans sa famille, la fillette certes aimait sa mère, sa mère, l’éducatrice rigide, qui cachait sous sa fermeté — ses enfants le savaient bien — tant d’inquiète sollicitude, une si forte tendresse pour toute sa nichée. Elle aimait sa sœur, à peine plus âgée qu’elle et son inséparable compagne ; elle aimait l’aîné de ses frères, Frédéric. Mais, depuis quelques années déjà, un sentiment plus haut, comme mystique, grandissait au cœur de la petite fille, une adoration timide, un peu apeurée, née d’une admiration passionnée pour son frère Arthur qui était déjà la merveille de la famille.


(1) Voir Œuvres d’Arthur Rimbaud, pages 134 à 137, et la glose que Paterne Berrichon a écrite de ce poème dans Jean-Arthur Rimbaud le Poète, pages 6S à 71. (Edit. du Mercure de France).