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22 RELIQUES


Rimbaud, mutilé, malade, mourant, revient à la maison familiale. Il est reçu avec tendresse. Mais, farouchement, Isabelle revendique le droit exclusif de soigner l’invalide. Son double est revenu, son frère, son âme, celui qu’elle aime plus que sa vie. Pour elle, les peines, les veilles, les angoisses du chevet. Elle les réclame comme son privilège, et ce lui sera plus tard une amère douceur que de se dire : « Nulles mains que les miennes ne l’ont soigné, ne l’ont touché, ne l’ont habillé, ne l’ont aidé à souffrir ». (1)

Mais quel calvaire ! Ne souffre-t-elle pas autant que lui, plus que lui, pendant ces pénibles journées de Roche, pendant ce dur voyage vers Marseille, pendant les heures enfin de l’agonie ?

L’instant suprême arrive. Le voyageur va goûter le repos éternel. Son âme, si longtemps inquiète, s’étant rouverte à la foi, il entrera dans la mort comme dans un port aux eaux tranquilles et lumineuses. Mais c’est la détresse pour celle qui pleure au pied du lit funèbre ; car si la mort n’a plus d’aiguillon pour le croyant quittant la terre,


(1) Mon frère Arthur.