Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/102

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pareille. Or, jusqu’ici, nulle ride, nul frisson sous un vent mauvais qui atténuât l’intégrité de ce reflet.

Et c’est si bien la morte qu’il continuait à honorer dans le simulacre de cette ressemblance, qu’il n’avait jamais cru un instant manquer de fidélité à son culte ou à sa mémoire. Chaque matin, ainsi qu’au lendemain de son décès, il faisait ses dévotions — comme les stations du chemin de la croix de l’amour — devant les souvenirs conservés d’elle. Dans l’ombre silencieuse des salons, aux persiennes entr’ouvertes, parmi les meubles jamais dérangés, il allait longuement, dès son lever, s’attendrir encore devant les portraits de sa femme : là, une photographie, à l’âge où elle était jeune fille, peu de temps avant leurs fiançailles ; au centre d’un panneau, un grand pastel dont la vitre miroitante tour à tour la cachait et la montrait, en une silhouette intermittente ; ici, sur un guéridon, une autre photographie dans