Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/122

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foi des Flandres où subsiste un peu du catholicisme espagnol, cette foi où les scrupules et la terreur l’emportent sur la confiance et qui a plus la peur de l’Enfer que la nostalgie du Ciel. Avec pourtant un amour du décor, la sensualité des fleurs, de l’encens, des riches étoffes, qui appartient en propre à la race. C’est pourquoi l’esprit obscur de la vieille servante s’extasiait par avance aux pompes des saints offices, tandis qu’elle franchissait le pont arqué du Béguinage et pénétrait dans l’enceinte mystique.

Déjà, ici, le silence d’une église ; même le bruit des minces sources du dehors, dégoulinées dans le lac, arrivant comme une rumeur de bouches qui prient ; et les murs, tout autour, des murs bas qui bornent les couvents, blancs comme des nappes de Sainte Table. Au centre, une herbe étoffée et compacte, une prairie de Jean Van Eyck, où paît un mouton qui a l’air de l’Agneau pascal.