Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/186

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ensorcelé et qu’il tremblait de perdre. Ce n’est plus seulement son visage, c’est sa chair, c’est tout son corps dont la vision s’évoquait pour lui, brûlante, de l’autre côté de la nuit, tandis qu’il n’en apercevait que l’ombre flottant dans les plis des rideaux… Oui ! il l’aimait elle-même, puisqu’il en était jaloux, jusqu’à en souffrir, jusqu’à en pleurer, quand il la surveillait, le soir, cinglé par le minuit des carillons, par les petites pluies, incessantes en ce Nord, où sans trêve les nuages s’effilochent en bruines.

Et il restait, guettant toujours, allant de long en large dans un court espace comme dans un préau, parlant tout haut en vagues paroles de somnambule, malgré la pluie qui s’activait — neige fondue, boues, ciels brouillés, fin d’hiver, toute la désolante tristesse des choses…

Il aurait voulu savoir, élucider, voir… Ah ! quelle angoisse ! et quelle âme avait-elle donc, cette femme, pour lui faire mal ainsi, tandis que l’autre — la si bonne,