Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/194

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Il avait honte, intérieurement, de sa lâcheté ; mais il ne pourrait plus vivre sans elle… D’ailleurs, qui sait ? le monde est si méchant ? Elle n’avait même pas voulu se justifier.

Alors il fut pris tout à coup d’une immense détresse devant cette fin d’un rêve qu’il sentait à l’agonie (les ruptures d’amour sont comme une petite mort, ayant aussi leurs départs sans adieux). Mais ce n’est pas seulement la séparation d’avec Jane ni le bris du miroir aux reflets qui le navraient le plus à ce moment : il éprouvait surtout une épouvante de songer qu’il était menacé de se retrouver seul — face à face avec la ville — sans plus personne entre la ville et lui. Certes, il l’avait choisie, cette Bruges irrémédiable, et sa grise mélancolie. Mais le poids de l’ombre des tours était trop lourd ! Et Jane l’avait habitué à en sentir l’ombre arrêtée par elle sur son âme. Maintenant il la subirait toute. Il allait se retrouver seul, en proie aux cloches ! Plus