Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/198

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Or les cygnes, si calmes et blancs d’ordinaire, s’effarèrent, éraillant la moire du canal, impressionnables, fiévreux, autour d’un des leurs qui battait des ailes et, s’y appuyant, se levait sur l’eau, comme un malade s’agite, veut sortir de son lit.

L’oiseau semblait souffrir : il criait par intervalles ; puis, s’enlevant d’un essor, son cri, par la distance, s’adoucit ; ce fut une voix blessée, presque humaine, un vrai chant qui se module…

Hugues regardait, écoutait, troublé devant cette scène mystérieuse. Il se rappela la croyance populaire. Oui ! le cygne chantait ! Il allait donc mourir, ou du moins sentait la mort dans l’air !

Hugues frissonna. Était-ce pour lui ce mauvais présage ? La cruelle scène avec Jane, sa menace de partir, ne l’avaient que trop préparé à ces noirs pressentiments. Qu’est-ce qui doit de nouveau finir en lui ? Pour quel deuil ces crêpes de la nuit superstitieuse ? De quoi va-t-il encore une fois être veuf ?