Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/209

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doigts de prêtres, des saints chrêmes indurés, une eau bénite inaliénable les eussent consacrés. Elle se semblait à elle-même dans une sacristie.



Il lui restait à remplir les corbeilles d’herbes et de fleurs coupées — mosaïque volante, tapis émietté dont chaque servante, devant sa maison, va colorier la rue au moment du cortège. Barbe se hâtait, un peu grisée à l’odeur des roses trémières, des grands lis, des marguerites, des sauges, des romarins aromatiques, des roseaux qu’elle détaillait en rubans courts. Et sa main plongeait dans les corbeilles s’emplissant, rafraîchie à ce massacre de corolles, ouates fraîches, duvets d’ailes mortes.

Par les fenêtres ouvertes, arrivait le grandissant concert des cloches de paroisse, qui l’une après l’autre s’ébranlaient.

Le temps était gris, un de ces jours indécis de mai où, malgré les nuages, il y a comme une arrière-joie dans le ciel.