Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/42

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de pastel, ces yeux de prunelle dilatée et sombre dans la nacre, c’étaient les mêmes. Et tandis qu’il marchait derrière elle, ces cheveux qui apparaissaient dans la nuque, sous la capote noire et la voilette, étaient bien d’un or semblable, couleur d’ambre et de cocon, d’un jaune fluide et textuel. Le même désaccord entre les yeux nocturnes et le midi flambant de la chevelure.

Est-ce que sa raison périclitait à présent ? Ou bien sa rétine, à force de sauver la morte, identifiait les passants avec elle ? Tandis qu’il cherchait son visage, voici que cette femme, brusquement surgie, le lui avait offert, trop conforme et trop jumeau. Trouble d’une telle apparition ! Miracle presque effrayant d’une ressemblance qui allait jusqu’à l’identité.

Et tout : sa marche, sa taille, le rythme de son corps, l’expression de ses traits, le songe intérieur du regard, ce qui n’est plus seulement les lignes et la couleur,