Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/76

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notoire, de s’amouracher d’une danseuse. À vrai dire, il n’avait pas d’amour pour elle. Tout ce qu’il désirait, c’était pouvoir éterniser le leurre de ce mirage. Quand il prenait dans ses mains la tête de Jane, l’approchait de lui, c’était pour regarder ses yeux, pour y chercher quelque chose qu’il avait vu dans d’autres : une nuance, un reflet, des perles, une flore dont la racine est dans l’âme — et qui y flottaient aussi peut-être.

D’autres fois, il dénouait ses cheveux, en inondait ses épaules, les assortissait mentalement à un écheveau absent, comme s’il fallait les filer ensemble.

Jane ne comprenait rien à ces allures anormales de Hugues, à ses muettes contemplations.

Elle se rappelait, au commencement de leurs relations, son inexpliquée tristesse quand elle lui avait dit que sa chevelure était teinte ; et avec quel émoi, depuis, il l’épiait pour savoir si elle la maintenait de la même nuance.