Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/89

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— semblait-il — et déjà si lointaines de lui, tintant comme en d’autres ciels…



Et le trop-plein des gouttières avait beau dégouliner, le tunnel des ponts suinter des larmes froides, les peupliers du bord de l’eau frémir comme la plainte d’une frêle source inconsolable, Hugues n’entendait plus cette douleur des choses ; il ne voyait plus la ville rigide et comme emmaillotée dans les mille bandelettes de ses canaux.

La ville d’autrefois, cette Bruges-la-Morte, dont il semblait aussi le veuf, ne l’effleurait plus qu’à peine d’un glacis de mélancolie ; et il marchait, consolé, à travers son silence, comme si Bruges aussi avait surgi de son tombeau et s’offrait telle qu’une ville neuve qui ressemblerait à l’ancienne.

Et tandis qu’il s’en allait chaque soir retrouver Jane, pas un éclair de remords ; ni, une seule minute, le sentiment du parjure, du grand amour tombé dans la parodie, de la douleur quittée —