Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/183

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— Maître, lui dis-je, parmi les ennuis du métier de sculpteur, il en est un que vous semblez avoir omis.

C’est de faire le buste d’un client dont la tête est inexpressive ou trahit même une sottise manifeste.

Rodin se prit à rire :


— Cela ne peut compter pour un ennui, répondit-il. N’oubliez pas, en effet, ma maxime favorite : la Nature est toujours belle : il suffit de comprendre ce qu’elle nous montre. Vous me parlez d’un visage inexpressif. Il n’en est pas de tel pour un artiste. Pour lui, toute tête humaine est intéressante. Qu’un sculpteur accuse, par exemple, la fadeur d’une physionomie ; qu’il nous montre un sot absorbé par le souci de parader dans le monde et voilà un beau buste.

D’ailleurs, ce qu’on appelle un esprit borné n’est souvent qu’une conscience qui ne s’est pas épanouie parce qu’elle n’a pas reçu l’éducation qui lui eût permis de se déployer, et, dans ce cas, le visage offre ce spectacle mystérieux et captivant d’une intelligence que semble envelopper un voile.

Enfin, que vous dirai-je ? même dans la tête la