Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/196

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et de rude dans l’expression ; des yeux qui semblent hantés de visions très lointaines : c’est le peintre des époques à demi sauvages où les hommes étaient robustes et impétueux.

Rodin me dit :


— Laurens est un de mes plus anciens amis. J’ai posé pour un des guerriers mérovingiens qui, dans sa décoration du Panthéon, assistent au trépas de sainte Geneviève.

Son affection m’a toujours été fidèle. C’est lui qui me fit obtenir la commande des Bourgeois de Calais. Et sans doute elle ne me rapporta guère, puisque je livrai six personnages de bronze au prix qu’on m’avait proposé pour un seul ; mais je lui garde une reconnaissance profonde de m’avoir poussé à créer une de mes meilleures œuvres.

J’eus grand plaisir à faire son buste. Il me reprocha amicalement de l’avoir représenté la bouche ouverte. Je lui répondis que, d’après le dessin de son crâne, il descendait très probablement des anciens Wisigoths d’Espagne, et que ce type était caractérisé par la saillie de la mâchoire inférieure. Mais je ne sais s’il se rendit à la justesse de cette observation ethnographique.