Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peuvent se passer d’intelligence, c’est que nombre d’entre eux en paraissent privés dans la vie courante. Les biographies des peintres et des sculpteurs célèbres abondent en anecdotes sur la naïveté de certains maîtres. Mais il faut se dire que les grands hommes, méditant sans cesse sur leurs œuvres, ont de fréquentes absences d’esprit dans l’existence quotidienne. Il faut se dire surtout que beaucoup d’artistes, tout intelligents qu’ils soient, semblent bornés, simplement parce qu’ils n’ont point cette facilité de parole et de repartie qui, pour les observateurs légers, est le seul signe de finesse.


— Assurément, fis-je, on ne peut sans injustice contester la vigueur cérébrale des grands peintres et des grands sculpteurs.

Mais, pour en revenir à une question plus particulière, n’y a-t-il pas entre l’art et la littérature une ligne frontière que les artistes ne doivent point franchir ?


— Je vous avoue, répondit Rodin, qu’en ce qui me concerne, je supporte malaisément les défenses de passer.