Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/241

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est prodigieux, n’est-ce pas ? Il rappelle par son réalisme celui de la chapelle del Santisimo Cristo, à Burgos, cette image si impressionnante, si terrifiante, si horrible, disons le mot, qu’elle passe pour un vrai cadavre humain empaillé…

À la vérité, le Christ que voici est beaucoup moins sauvage. Comme les lignes du corps et des bras sont pures et harmonieuses !


Voyant mon hôte en extase, j’eus l’idée de lui demander s’il était religieux.


— C’est selon la signification qu’on attache au mot, me répondit-il. Si l’on entend par religieux l’homme qui s’astreint à certaines pratiques, qui s’incline devant certains dogmes, évidemment je ne suis pas religieux. Qui l’est encore à notre époque ? Qui peut abdiquer son esprit critique et sa raison ?

Mais, à mon avis, la religion est autre chose que le balbutiement d’un credo. C’est le sentiment de tout ce qui est inexpliqué et sans doute inexplicable dans le monde. C’est l’adoration de la Force ignorée qui maintient les lois universelles, et qui conserve les types des êtres ; c’est le soupçon de tout ce qui dans la Nature ne tombe pas