Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/275

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quoi cette incurvation du torse, pourquoi cette hanche qui s’élève, cette épaule qui s’abaisse ? » J’étais fort troublé…

Et pourtant Michel-Ange n’avait pu se tromper ! Il fallait comprendre. Je m’y appliquai et j’y réussis.

À vrai dire, Michel-Ange n’est pas, comme on l’a parfois soutenu, un solitaire dans l’art. Il est l’aboutissant de toute la pensée gothique. On dit généralement que la Renaissance fut la résurrection du rationalisme païen et sa victoire sur le mysticisme du moyen âge. Ce n’est qu’à moitié juste. L’esprit chrétien a continué à inspirer une bonne partie des artistes de la Renaissance, entre autres Donatello, le peintre Ghirlandajo qui fut le maître de Michel-Ange et Buonarotti lui-même.

Celui-ci est manifestement l’héritier des imagiers du treizième et du quatorzième siècle. On retrouve à chaque instant dans la sculpture du moyen âge cette forme de console sur laquelle je viens d’attirer votre attention ; on y retrouve ce retrait du thorax, ces membres plaqués contre le torse et cette attitude d’effort. On y retrouve surtout une mélancolie qui envisage la vie comme un provisoire auquel il ne convient pas de s’attacher.