Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/291

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le Christ cloué sur la croix, les jambes fléchissantes, le torse penché vers les hommes que son supplice doit racheter. C’est la Mater dolorosa qui se courbe sur le cadavre de son fils.

Michel-Ange, encore une fois, n’est que le dernier et le plus grand des gothiques.

Retour de l’âme sur elle-même, souffrance, dégoût de la vie, lutte contre les chaînes de la matière, tels sont les éléments de son inspiration.

Ces Captifs sont retenus par des liens si faibles qu’il semble facile de les rompre. Mais le sculpteur a voulu montrer que leur détention est surtout morale. Car, bien qu’il ait représenté dans ces figures les provinces conquises par le pape Jules II, il leur a donné une valeur symbolique. Chacun de ses prisonniers est l’âme humaine qui voudrait faire éclater la chape de son enveloppe corporelle afin de posséder la liberté sans limites.

Regardez le Captif de droite. Il a le masque de Beethoven. Michel-Ange a deviné les traits du plus douloureux des grands musiciens.

Qu’il ait été lui-même affreusement torturé par la mélancolie, c’est ce que prouve toute son existence.