Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/294

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Il reprit


S’il m’est permis de parler un peu de moi, je vous dirai que j’ai oscillé, ma vie durant, entre les deux grandes tendances de la statuaire, entre la conception de Phidias et celle de Michel-Ange.

Je suis parti de l’Antique ; mais lorsque j’allai en Italie, je me suis épris soudain du grand maître florentin, et mes œuvres se sont certainement ressenties de cette passion.

Depuis, surtout dans les derniers temps, je suis revenu à l’Antique.

Les thèmes favoris de Michel-Ange, la profondeur de l’âme humaine, la sainteté de l’effort et de la souffrance sont d’une austère grandeur.

Mais je n’approuve pas son mépris de la vie.

L’activité terrestre, si imparfaite qu’elle soit, est encore belle et bonne.

Aimons la vie pour l’effort même qu’on y peut déployer.

Pour moi, j’essaie de rendre sans cesse plus calme ma vision de la nature. C’est vers la sérénité que nous devons tendre. Il restera toujours en nous assez de l’anxiété chrétienne devant le mystère.