Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/317

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depuis, sous la troisième République, a conquis une place si prépondérante dans la société.

Je ne dis pas que ces artistes aient déterminé les grands courants où se reconnaît leur esprit. Je dis seulement qu’ils ont inconsciemment contribué à les former ; je dis qu’ils ont fait partie de l’élite intellectuelle qui créa ces tendances. Et, bien entendu, cette élite n’est point composée des artistes seuls, mais aussi des écrivains, philosophes, romanciers et publicistes.

Ce qui prouve encore que les maîtres apportent à leur génération des idées et des inclinations nouvelles, c’est que souvent ils ont grand’peine à les faire accepter. Ils passent parfois presque toute leur vie à lutter contre la routine. Et plus ils ont de génie, plus ils ont de chances d’être longtemps méconnus. Corot, Courbet, Millet, Puvis de Chavannes, pour ne citer que ceux-là, n’ont été unanimement acclamés que sur la fin de leur carrière.

On ne fait pas impunément du bien aux hommes. Du moins, par cette obstination à enrichir l’âme humaine, les maîtres de l’art ont mérité que leur nom fût sacré après leur mort.

Voilà, mes amis, ce que je voulais vous dire sur l’utilité des artistes.