Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/39

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Car il serait impossible à un modèle de conserver une attitude vivante pendant tout le temps qu’on mettrait à le mouler. Tandis que moi je garde dans ma mémoire l’ensemble de la pose et je demande sans cesse au modèle de se conformer à mon souvenir.

Il y a mieux.

Le moulage ne reproduit que l’extérieur ; moi je reproduis en outre l’esprit, qui certes fait bien aussi partie de la Nature.

Je vois toute la vérité et non pas seulement celle de la surface.

J’accentue les lignes qui expriment le mieux l’état spirituel que j’interprète.


Ce disant, il me montrait sur une selle près de moi une de ses plus belles statues, un jeune homme à genoux qui lève vers le ciel des bras suppliants. Tout son être est tiré par l’angoisse. Le corps se renverse. Le thorax s’enfle, le cou se tend avec désespoir, et les mains sont comme projetées vers quelque être de mystère auquel elles voudraient se raccrocher.


— Tenez ! me dit Rodin, j’ai accusé la saillie des