Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/80

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parmi celles dont j’ai le plus accentué la mimique. J’en ai d’ailleurs créé d’autres dont l’animation n’est pas moins frappante : mes Bourgeois de Calais, mon Balzac, mon Homme qui marche, par exemple.

Et même dans celles de mes œuvres dont l’action est moins accusée, j’ai toujours cherché à mettre quelque indication de geste : il est bien rare que j’aie représenté le repos complet. J’ai toujours essayé de rendre les sentiments intérieurs par la mobilité des muscles.

Il n’est pas jusqu’à mes bustes auxquels je n’aie souvent donné quelque inclinaison, quelque obliquité, quelque direction expressive pour augmenter la signification de la physionomie.

L’art n’existe pas sans la vie. Qu’un statuaire veuille interpréter la joie, la douleur, une passion quelconque, il ne saurait nous émouvoir que si d’abord il sait faire vivre les êtres qu’il évoque. Car que serait pour nous la joie ou la douleur d’un objet inerte,… d’un bloc de pierre ? Or l’illusion de la vie s’obtient dans notre art par le bon modelé et par le mouvement. Ces deux qualités sont comme le sang et le souffle de toutes les belles œuvres.