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SONNETS POUR HÉLÈNE, LIV. II.
XVIII.


Je chantais ces sonnets, amoureux d’une Hélène,
En ce funeste mois que mon prince mourut[1] :
Son sceptre, tant fut grand, Charles ne secourut,
Qu’il ne payât la dette à la nature humaine.

La Mort fut d’un côté, et l’Amour, qui me mène,
Était de l’autre part, dont le trait me férut[2] ;
Et si bien le poison par les veines courut
Que j’oubliai mon maître, atteint d’une autre peine.

Je sentis dans le cœur deux diverses douleurs,
La rigueur de ma dame, et la tristesse enclose
Du roi que j’adorais pour ses rares valeurs[3].

La vivante et le mort tout malheur me propose :
L’une aime les regrets, et l’autre aime les pleurs,
Car l’amour et la mort n’est qu’une même chose.

  1. Charles IX, mort le 30 mai de l’année 1574.
  2. Férut : frappa ; du latin ferire.
  3. Valeurs : mérites.